dimanche 31 octobre 2010

Jean Ribault

Jean Ribault (v. 1515-1565), Seigneur de Beauchamps, du Mesnil et d’Ornonville, était le fils de Guillaume Ribault , Chevalier et d’Isabeau du Bust. Jean Ribault a épousé Marguerite Tresforet, sœur et fille des Capitaines Tresforet, hardis navigateurs, très redoutés des Anglais.

De cette union naquirent plusieurs filles et deux fils : René, l’aîné, qui garda les fiefs et assura la descendance : Jacques, marin comme son père, qui le suivit en mer dès l’âge de 13 ans, puis dans toutes ses expéditions, toujours à ses côtés jusqu’au moment où son père lui confia, très jeune, « La Perle » un vaisseau de 10 canons.

Jean Ribault est un corsaire , son port d’attache est Dieppe, il a une très grande réputation, c’est bien le meilleur homme de mer de ce temps, dit-on de lui. Il fait de nombreuses campagnes contre les Anglais et contre les Hollandais, car il a été sollicité pour se mettre au service du roi et il s’impose rapidement pour toute « affaire difficile » tant il est habile à manœuvrer.

Il est remarqué par l’Amiral de Coligny (1519-1572), un des principaux chefs de guerre des règnes de François 1er et Henri II avant de devenir, après sa conversion à la religion réformée (1560) un des premiers personnages de cette cause.

Jean Ribault subit son influence au point de « l’imiter en toute chose » et même de se faire Huguenot lui aussi. Encore de nos jours, aux Etats-Unis comme en France, il est revendiqué comme héros de la religion réformée. Mais sa femme et son fils aîné ne l’ayant pas suivi sur cette voie, la famille française est demeurée catholique.

Jean Ribault livre aux Anglais d’innombrables batailles, un 29 septembre lors d’une tempête mémorable, qualifiée « d’inouïe », ses vaisseaux sont jetés sur la côte anglaise. Il est naufragé, fait prisonnier, et enfermé à la Tour de Londres. Il réussira à s’en évader deux fois. Repris à sa première tentative « parce qu’il avait un très mauvais cheval », il réussira la 2ème. Il reprend la mer aussitôt.

Suivent d’autres campagnes contre les Hollandais – on dit alors les Flamands – 1555, 1557, 1560.

L’Amiral de Coligny avait l’habitude de dire en parlant de Jean Ribault « Pour n’importe quelle affaire, sur terre comme sur mer, j’aime mieux Jean Ribault avec cinquante hommes qu’un autre avec cinq cents».

Coligny demande et obtient du Roi Charles IX (1550-1574) et de la Régente Catherine de Médicis, un commandement pour Jean Ribault pour une expédition vers la Floride, sur cet immense continent dont on rêve depuis que Jacques Cartier de Saint Malo, est arrivé beaucoup plus au nord, au Canada, et après bien des préparatifs, c’est la première expédition en 1562. Elle est parfaitement réussie.

Parti de Dieppe le 18 Février 1562 décidé à franchir l’Atlantique sans escale, par une « voie très courte » et inconnue des Espagnols, Ribault à l’aube du 30 Avril découvre les côtes de Floride. Laudonnière, son lieutenant, écrit : « Ayant donc navigué deux mois, sans tenir la route accoutumée des vaisseaux Espagnols, il aborda près d’un Cap, peu escarpé, car la côte est plate, avec de hautes forêts, Ribault nomme ce cap « cap Français », et y plante une colonne fleurdelisé à la hauteur de l’actuelle rivière St John (Rivière de mai pour jean Ribault). A cette époque, la Floride n’appartient à personne. Le contact avec les Indiens est excellent, Ribault, généreux, leur fait de nombreux cadeaux, les couteaux les comblent de joie. Jean Ribault reprend la mer et longe la côte vers le nord. Il décide d’y bâtir le premier établissement baptisé Charles Fort en l’honneur du roi Charles IX qui règne alors en France.

Les Indiens aident les Français à bâtir, fournissant le bois qui abonde. Ce fort a une forme conçue par Jean Ribault, en fer de lance. Le lieu, actuellement en Caroline su Sud, sera fouillé par des archéologues au début des années 1920 et de nombreuses traces de la présence des Français seront alors retrouvées.

Au bout de deux mois, l’expédition reprit la mer, laissant une petite garnison de 25 hommes, sous la sauvegarde des Indiens, bien munie d’armes et de vivres, mais la région très riche, avec un gibier abondant, pouvait les nourrir. Jean Ribault comptait revenir au printemps 1563.

Hélas, en revenant en France, ils trouvèrent le pays en pleine guerre de Religion . Et ce n’est qu’en 1565 que Jean Ribault va pouvoir, toujours grâce à l’Amiral de Coligny, réunir une véritable escadre, et en prendre le commandement, avec le titre d’Amiral.

Coligny lui a confié le soin de fonder une véritable colonie de familles huguenotes, où ils seront libres de pratiquer leur religion. Secondé par René de Laudonnière il emmène donc environ trois cents hommes marins et artisans accompagnés de quelques femmes, avec tout le chargement que cela suppose pour fonder une colonie. Cette escadre partit du Havre le 26 Mai 1565. Les malheureux étaient loin de penser à l’avenir qui les attendait.

L’escadre était ainsi composée :
« La Trinité » : vaisseau amiral de 32 canon, commandée par Jean Ribault.
« L’Emerillon 1er » : 29 canons, commandé par Nicolas d’Ornano.
« La Perle » : vaisseau corsaire de 10 canons, commandé par Jacques Ribault.
« La Lèvrière » : 12 canons, commandée par Vivien Maillard, un neveu de Jean Ribault.
« L’Emerillon II » : 20 canons, commandé par Vincent Colas.
« L’Epaule de Mouton » de Dieppe
et une Roberge, de la Rochelle, chargée de six pièces de « canons de terre », d’armes, de poudre, de vivres, le tout en quantité.

Malheureusement, les vents furent contraires pendant toute la traversée, et ce voyage fut beaucoup plus long que le premier. On pense qu’ils n’abordèrent la Floride que le 15 ou 20 août suivant, si on en croit un rescapé, connu sous le nom de Christophe le Marin qui revint en France. Etant catholique, il avait été épargné par les Espagnols, avec une dizaine d’autres, sur la supplication de l’aumônier de leur chef.

Or pendant ce long voyage, l’Espagne apprit par ses espions, le départ de l’escadre composée de huguenots. Le roi d’Espagne n’éleva pas de plainte auprès du roi de France pour cet acte qui allait contre le Traité de Tordesillas qui partageait les conquêtes du Nouveau Monde entre les Espagnols et les Portugais, de crainte que l’on envoie avertir les Français et la petite colonie, mais il fit partir, une escadre plus forte que l’escadre française, douze vaisseaux de guerre. Ribault était à terre quand le danger le surprit sur les côtes.

Ribault était un homme de la mer, il ne voulait pas combattre sur terre, mais à la faveur de la nuit, gagner ses navires restés intacts et attaquer à revers la flotte espagnole, il comptait sur son habilité au combat naval. Mais le plus grand nombre refusa cette solution et se barricada dans Fort Caroline, le second établissement français fondé en 1564 par René de Laudonnière était investi et là, les Français embarrassés de gens qui n’étaient pas des combattants, de femmes, d’enfants furent vite submergés par les Espagnols. Les Indiens protégèrent la fuite de quelques Français, de femmes et d’enfants. Que sont-ils devenus ?

Ce sont également les indiens qui sauvèrent Jacques Ribault, échappé sur ordre de son père. Ils le guidèrent de nuit jusqu’à la petite anse où était ancrée « la Perle » et il rentra en France avec quelques rescapés. Jacques Ribault ne resta pas en France, il repartit et gagna le repaire de l’Ile de la Tortue. De là, il attaquait tous les vaisseaux espagnols vengeant cruellement son père.

Voyant la situation désespérée, les derniers Français autour de Jean Ribault envoyèrent des parlementaires aux Espagnols. Bien reçus, ceux-ci revinrent persuadés que le général espagnol Menendez de Avila serait généreux et clément. Jean Ribault se présenta le premier à Menendez qui sembla le considérer avec un certain respect, puis lorsque tous les siens furent autour de lui : « Y a-t-il des Luthériens parmi vous ?» cria Menendez. Tous, clama Jehan Ribault. Et il commença à haute voix, et en latin, la prière du bon larron « Domine Memento mei »… Seigneur souviens toi de moi…. Et s’écroula sous cinq coups de poignard. Ce fut le signal du massacre. Sur ce lieu, où plusieurs centaines d’hommes furent égorgés et qui garda le nom de Laguna Matanza, lagune du massacre, Menendez fit clouer sur un gibet un écriteau « Je ne fais ceci comme à Français, mais à hérétiques ». Chef d’œuvre de mauvaise foi.

On dit aussi qu’il fit couper en quatre quartiers la tête de Jean Ribault qu’il fit clouer à des poteaux aux quatre extrémités du fort, et qu’une partie de sa peau ainsi que sa barbe furent envoyées en trophées en Espagne. Menendez écrit ensuite une lettre à son Roi où il n’est plus question d’un massacre d’hérétiques, mais où il considère comme une heureuse fortune que « Juan Ribao » soit mort, car avec un tel homme le Roi de France eût pu établir en Floride une puissante et belle colonie. Quelques années plus tard, en 1568, Dominique de Gourgues vengea Ribault et ses compagnons et mit une épitaphe que les soldats espagnols morts : « Je ne fais ceci comme à Espagnols, mais comme à traîtres et assassins».

Ribault était vengé, mais la Floride resta espagnole…

A Jacksonville, il y a plusieurs bâtiments officiels, comme Bibliothèque, ou collège, etc. qui portent le nom de Jean Ribault. Dans la baie de Port Royal, se trouvent l’emplacement de la Caroline (ou Fort Caroline), à l’embouchure de la rivière de May (actuellement St John. Ce lieu est actuellement un Parc national et une réplique de la colonne de 1562 y a été érigée en 1927. Des fouilles sont régulièrement entreprises tant en Caroline du Sud, qu’à Jacksonville ou encore à proximité de Cap Canaveral, là où se situe Matanzas.
(sur la base d’un document des Archives de la famille complété)



Pour plus de précisions on se reportera à :
Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIème siècle, Tome 2, Les Français en Floride, par Suzanne Lussagnet, introduction de Charles-André Julien Presses Universitaires de France, 1958. Cet ouvrage, en plus d’une intéressante préface faisant en particulier le résumé des recherches américaines sur le sujet, présente les textes de Jean Ribault, René de Laudonnière et Nicolas Le Challeux qui tous les trois rendent compte de la mission de 1562.

Sur les traces des Huguenots de Floride, par Gilles Fonteneau, préface de François Bellec, Le Croît vif, Paris, 2008

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